Récit. Le crime d’être amoureuse

Article : Récit. Le crime d’être amoureuse
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30 décembre 2020

Récit. Le crime d’être amoureuse

Ce matin, un ami m’a posé cette question : « pourquoi nous sommes ainsi, nous, les hommes tchadiens ? ». A son interrogation, j’ai tenté de répondre par ces arguments : la fierté, l’orgueil, l’ignorance… Peut-être que je me suis trompé, alors je vous relate son récit, espérant que vous auriez forcement de meilleures réponses que moi.

Commençons par cette fameuse phrase : ce matin, j’étais chez moi. Soudain, mon téléphone a commencé à sonner. Quand j’ai pris l’appareil, l’écran affichait « Halimata ». Une vieille amie du lycée. « Allo Halimata, comment tu vas ? ». « Bien, et toi ? », répond la voix féminine, avec délicatesse.  Au bout de deux minutes, elle me demande ce que je fais après. « Rien », je réponds. « Dans ce cas, je t’invite à partager un jus avec moi », me demande-t-elle. Ne pouvant pas refuser, je vérifie rapidement ce que j’ai dans mon porte-monnaie : deux billets de cinq-mille et un billet de deux-mille francs CFA. Au fond de moi, je sais qu’avec cette somme, nous avons le droit à deux canettes de jus dans un restaurant recommandé de N’Djamena. En commun accord, nous celons notre rendez-vous au crépuscule.

Le rendez-vous

En gentleman, je suis arrivé sur le lieu avec une avance de 10 minutes. Pile à l’heure, Halimata fait son entrée au restaurant. D’un signe de main, elle m’identifie. La belle dame avance vers moi d’un pas lent et assuré. Belle, plus que belle. Je la regarde avec dévolu. Mes yeux sont tantôt fixés sur sa belle poitrine, tantôt sur ses lèvres fines, d’un rouge vif. A deux marches de moi, sa voix suave lâche ces mots : « bonsoir », « toujours en chemise manche longue ». En guise de réponse, j’ai souri. On s’est fait des accolades et nous prîmes place à l’écart du comptoir. Notre commande fut servie. Des belles et tendres phrases nous faisaient rire, sans perturber le lieu. Bientôt deux heures que nous causions.  J’appréciais ce rare moment de complicité. Elle aussi. Après tout ce temps, nous avons décidé de rentrer. Moi, de mon index droit, je fais signe au servant pour demander l’addition. Elle me rétorque que c’est déjà bon. « C’est moi qui t’a invité, il me revient de payer la facture », me dit-elle avec sourire. Son regard m’a fait comprendre qu’elle réglait l’addition au moment où elle a faisait semblant de demander quelque chose au barman. Elle m’imaginait comme ces Tchadiens qui n’acceptent pas qu’une femme paye leur addition.

La surprise

Nous voici à plus de deux kilomètres du restaurant. Arrivé devant le portail de la maison, je me gare juste en face. Halimata descend de la moto. Elle se positionne devant moi. « Avant que tu ne partes, je voudrais me libérer… Je voudrais ôter ce lourd fardeau qui pèse sur mon cœur. Sans détour, je suis sincèrement amoureuse de toi. J’ai voulu te déclarer ma flamme dans une longue lettre, j’ai eu peur que tu la fasses lire à tes amis. Finalement, je suis résolue à te l’avouer aujourd’hui. Je sais qu’au Tchad, les filles ne déclarent pas leur sentiment aux hommes, mais moi, je viens de le faire. Pense ce que tu veux de moi… Va dire à tes amis que je suis une fille facile… Ou que je suis une fille mal éduquée… Sur cette dernière phrase, Halimata s’éloigne de moi à petit à pas.

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