Cette nuit où j’ai failli perdre mon fils

Article : Cette nuit où j’ai failli perdre mon fils
Crédit: Nappy
7 juin 2022

Cette nuit où j’ai failli perdre mon fils

Il brûle de fièvre. Sa température avoisine 40 degrés. « Nous ne pouvons pas attendre jusqu’à demain matin. Allons à la dispensaire », dit ma sœur, d’un ton inhabituel. Elle me sonne de me dépêcher. Dans la précipitation, je fais sortir ma moto. Elle se hâte avec mon fils sur son épaule vers la rue.  Dehors, il n’y a presque personne. Il règne un silence insoutenable. Dans le noir, nous longeons la rue principale jusqu’à la chaussée. Quelques rares voitures y filent à toute vitesse.

« Il faut que cela cesse »

vigile

Nous arrivons au centre de santé le plus proche. Le portail est fermé. Aussitôt, je me mets à toquer. Une voix stoppe mon élan. « J’arrive », nous dit-il.  C’est la sentinelle, un homme du troisième âge. Il nous ouvre la porte et m’aide à faire entrer la moto. Ma sœur se dépêche vers la salle de soins. La pièce est fermée. Sous la porte, nous apercevons la lumière. Une voix féminine nous dit de toquer à la porte. Sans attendre, je commence à le faire. Une fois, deux fois, trois fois… encore, et encore… mais personne ne nous répond…

Agacée, ma sœur demande s’il y a réellement quelqu’un à l’intérieur. Une fois de plus, aucune réponse. Après un silence, le vigile murmure : « A chaque fois qu’elle est de garde, elle fait ça, ce n’est pas normal, il faut que cela cesse » … « Partez à la polyclinique », nous oriente-t-il. Ma sœur n’en revient pas. Moi non plus. Comment cela est-il possible ? Nous sommes dans quel monde ?  Moi, j’ai la gorge nouée.  « Mon fils, ne perd plus une minute de plus, dépêchez-vous, partez à la polyclinique avant que le pire ne se produise », conseille le gardien.

Guérisseuse

En maudissant ceux qui sont de garde, nous quittons le lieu. À la polyclinique, le portail est ouvert. Devant nous, une femme à terme se tord de douleur. Elle est orientée vers la maternité et nous vers les urgences.  Dans une salle éclairée par une lampe de fortune, se trouvent deux jeunes filles et une femme. Les jeunes filles sont sans nul doute des stagiaires.  Elles prennent comme elles le peuvent la température de mon fils, sous le regard inquiet de ma sœur. L’infirmière en cheffe, me tend une ordonnance et m’oriente vers la pharmacie. De mon retour, mon fils est couvert d’une serviette mouillée. Rapidement, elle lui administre, je crois, 33 ml de paracétamol. Le temps de lui faire un test rapide du palu, elle me renvoie encore à la pharmacie. Entre mes va-et-vient, la fièvre de mon fils baisse. Il commence à transpirer, à vomir. Puis, s’endort.  

Le lendemain, à 8 heures du matin, soit 4 heures après avoir quitté la polyclinique, nous y retournons. Nous effectuons tous les examens demandés. Je paye aussi les médicaments prescrits. Deux jours après, la santé de mon fils ne s’améliore guère. Ma cousine nous conseille vivement de nous tourner vers la médecine traditionnelle.  Immédiatement, elle prend rendez-vous avec une « guérisseuse ». Nous devons nous rendre chez elle à 13 heures. Mais, j’avorte sa proposition.

Prix

Je décide de remorquer mon fils sur la moto et nous nous rendons dans une structure sanitaire privée. Un établissement qui coûte de la tête au pied pour un Tchadien lambda comme moi. Sur place, mon fils est mis en observation pendant toute la journée. Le jour suivant, son état de santé s’améliore. A la fin de la journée, le médecin nous prescrit un antipaludéen, de la vitamine… Aujourd’hui, mon fils va bien. Il reprend même le chemin de l’école. Maintenant, je crois comprendre pourquoi le paludisme est la principale cause de mortalité dans mon pays. 

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