Récit : l’école ou le football, mon neveu a fait son choix

Article : Récit : l’école ou le football, mon neveu a fait son choix
Crédit: Amisom via Iwaria
24 novembre 2021

Récit : l’école ou le football, mon neveu a fait son choix

Notre conversation a à peine duré une minute. Ma sœur est allée droit au but : « Passe me voir avant d’aller au travail ». C’était sa phrase juste après mon « Allô ». J’ai simplement répondu « Ok ». Aussitôt, la belle dame a raccroché. Je me suis hâté pour être à temps. A mon arrivée, elle se tenait devant la porte de son appartement. « Avance au salon », me dit-elle.

Ce matin là, son mari n’était pas à la maison. Il était en voyage. Son métier de chauffeur l’éloigne régulièrement de sa petite famille. D’un ton impérieux, elle a appelé son fils. « Maman », a répondu nonchalamment l’adolescent. En me voyant, le jeune garçon m’adressa un large sourire. Le petit, m’admire beaucoup. Il a toujours voulu être comme moi, être footballeur. Quand je jouais avec le club tchadien de l’AS Coton, je me vantais devant eux. Je leur disais que j’étais le seul de la famille à avoir joué en première division. Je me glorifiais avec mon seul titre de vice-champion du Tchad. Mon neveu, lui, me retorquait qu’il serait le premier de la famille à jouer en équipe nationale. Qu’il serait professionnel et que nous suivrions ses matchs à la télé. J’adorais ces moments de bavardages avec mes cadets.

Mon neveu pris place à mes côtés. Sa maman le fixait du regard. « Dis-lui ce que tu m’as dit hier », ordonna-t-elle ainsi à son fils. Moi, je ne comprenais rien. Je commençais à me faire des idées. « Avait-il enceinté une fille ? ». Mon neveu baissa la tête. Sa mère se lâcha : « Il dit qu’il n’ira plus à école ». Je suis resté bouche bée. « Qu’il va désormais se consacrer exclusivement au football », conclut ma sœur. Je ne sus quoi dire. Je regardais ma sœur, troublée par la décision de son fils. « Si son père apprend sa folie, il va nous mettre tous deux dehors », tentait-elle de dramatiser.

La question

Pourquoi cette décision ? C’est la question que j’ai eu à me poser. Une question que je ne devais pas lui poser. Honnêtement, je redoutais sa réponse. Je redoutais qu’il accentue ma culpabilité. Face à mon interrogation, il répondit avec éloquence : « Oncle… l’école ne paie plus. Regarde, oncle Richard, il a un master… Qu’est-ce qu’il fait ? Il est à la maison…. Maman a une licence, elle est pompiste… Tu sais, oncle, que je suis un bon footballeur. Alors pourquoi perdre mon temps à l’école ? ».  

Sur ce point, mon neveu avait raison. Il a un pied droit ravageur. Il sera incontestablement excellent buteur. Sa mère, lui coupa la parole. Aussitôt, je la lui arracha. J’entrais en action. Face à ces arguments, mes mots devaient peser lourd. « Regarde-moi, est-ce que je suis devenu pro ? Quand je jouais, je partais aussi à l’école. Tu auras besoin de t’exprimer à l’issue de match…». J’alignais mes arguments. J’attaquais intelligemment sa thèse. Je lui disais que la majorité des ex-coéquipiers qui se sont adonnés exclusivement au football ont perdu la pédale. Au moment, où je dis que le football et l’école allaient de pair, je cru avoir touché son côté sensible. Je me suis attardé longuement sur ce point. Après presque une demi-heure, ma sœur me demanda de partir.

Avant de quitter les lieux, je donnais rendez-vous à mon neveu pour l’après-midi. Mais la question qui me taraudait l’esprit fut celle-ci : pourquoi des adolescents quittent tôt l’école ? Est-ce que nous ne sommes pas responsable ? Rien que dans mon quartier, un adolescent sur trois, sans exagérer, ne finit par le lycée…

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