Découverte : mon quartier, l’eldorado des noctambules

Article : Découverte : mon quartier, l’eldorado des noctambules
Crédit: Nesta Yamgoto
19 août 2021

Découverte : mon quartier, l’eldorado des noctambules

Quand j’ai prononcé le nom de mon quartier, ils se sont tous retournés, les yeux braqués sur moi. Ils me regardaient avec insistance. Moi, j’ai l’impression d’avoir blasphémé. Tétanisé par les regards, je peinais à poursuivre ma présentation. « Pourquoi le nom de mon quartier fait aussi peur ? », m’interroge-je.

En fait,  je loge dans ce petit quartier de la capitale. Un lieu étroit et englouti en pleine cœur de N’Djamena. J’avoue d’avance que mon quartier n’a rien d’extraordinaire. Dans la journée, c’est un quartier presque normal.  Mon quartier est cosmopolite et paisible. On compte de grands sportifs qui ont fait la fierté du pays. Nous n’avons pas moins de cinq églises et mosquées. Mais les gens préfèrent mon quartier la nuit.

Couché du soleil

Ce soir comme toujours, les filles sont en rang. Elles se sont faites belles par des artifices et attendent les premiers venus. Instantanément, les bars ouvrent grandement leurs portes. La musique est poussée à fond. Devant ce snack populaire, les filles de joie déambulent avec faste. Elles bondent leurs poitrines aux passants. Hèlent et charment tout le monde. Les doyens de ces couloirs connaissent tous les signes.  Pas besoin de tourner autour du pot ou de négocier le prix. Ils entrent directement en chambre et ressortent heureux comme s’ils avaient passé une minute au paradis. Les novices, eux tournent les pouces, se cachent, prennent du temps de choisir entre les rondes, les chétives, les noires et les claires. Pour rendre les choses faciles, elles les attirent au couloir loin du regard. Dans ces couloirs,  tout est permis : le prix du sexe est négocié. L’accord toujours scellé.

 Mais parfois, la satisfaction n’est pas au rendez-vous. Hier par exemple, une des filles tabassait son client de toutes ses forces. « Tu vas me payer mon argent », dit-elle en enchainant des coups. Elle lui reprochait d’avoir consommé le fruit défendu sans payer. Ces scènes sont fréquentes. La plus spectaculaire, c’était celle dans laquelle l’une d’elles fuyaient son client. Elle l’accusait d’avoir trop duré. Ce dernier, ne voulait pas aussi lâcher-prise. Il a fallu l’arrivée de la police pour que le monsieur s’éclipse dans la foule. Il ne voudrait pas être appréhendé pour trouble à l’ordre public et bagarre.

L’impuissance ?

Même si leur métier est interdit par la loi tchadienne, la police semble être fatiguée de les interpeller quotidiennement. D’ailleurs, il se dit que pour ne pas créer un incident diplomatique, il faut laisser ces filles de joie en paix. J’ai failli oublier de vous dire que la majorité de ces filles viennent des pays voisins. Elles sont venues se chercher comme elles le font savoir. Une chantait que grâce à l’argent qu’elle gagne, son fils va bientôt finir ses études.  D’autres disent qu’elles sont en chantier dans leurs pays respectifs.  A chaque fois qu’elles se vantent, moi je fais mon petit calcul : elle gagne milles à deux milles francs CFA par éjaculation de leur client. Dans une soirée, elles peuvent compter facilement quatre hommes différents. Si on multiplie cette somme par mois et qu’on soustrait les frais mensuels du loyer, la ration alimentaire, les imprévus… combien peuvent-elles économiser par mois ?  

Laissons tomber. Mon quartier n’a pas que ces filles de joies. Il compte une centaine de bars et snack. Une vingtaine d’auberges (passe-temps). Mon quartier est comme la rue Princesse à Abidjan ou le grand boulevard du stade de l’amitié de Cotonou. Mon quartier est comme Las Vegas.  On n’y trouve tout. Mon quartier c’est Kabalaye. Et je suis sûr d’avoir croisé deux ou trois personnes dans cette salle la nuit de mon quartier. Ils y étaient pour ses bières glacées, ses filles de joie et pour écouter de la Rumba. 

Partagez