Rencontre : elle porte la maladie…

Article : Rencontre :  elle porte la maladie…
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31 octobre 2020

Rencontre : elle porte la maladie…

C’est donc bien Takene Sabou qui se cache derrière sa femme. Et pourtant à notre arrivée, on ne l’a pas vu. C’est sa femme qui nous reçoit jovialement. La sexagénaire, nous invite à prendre place. Visage serein, un peu fatiguée, mais Terey Gali Youkou montre qu’elle est encore solide malgré son âge avancé et sa maladie. Moi, je suis presque surpris de la voir autant radieuse.

 « N’eut été mon époux, je ne serais plus de ce monde », confie-t-elle.  cette phrase prononcée simplement m’a glacé le corps. J’ai pris peur. Vite, je me suis ressaisi sans laisser voir ma crainte.  Bouche bée,  regard fixé… j’entends religieusement chaque phrase qu’elle articule.

Tout a commencé  en 2007.  Un matin, ma poitrine me faisait mal. J’avais tellement mal que j’ai décidée de me faire consulté. Mes examens dans des cliniques ne relevaient rien. Pourtant, je continue toujours à souffrir le martyre. La douleur était tellement intense que je suis retournée voir le médecin. Cette fois-ci, il me defend de prendre des médicaments pendant trois mois. Rien n’a changé. Mon mal persiste, il me ronge, il me consume…

Tunnel…

Un jour, mon mari évoque ma situation sanitaire au médecin de la banque au sein de laquelle il travaille comme chauffeur.  Ce dernier a accepté de m’examiner. Arrivée au rendez-vous, ce docteur m’a recommandé de me faire consulter au Maroc. Je ne comprenais rien. Grâce à la prise en charge de mon époux, je me suis faite établie un passeport et j’ai atterri à Marrakech. Immédiatement, je suis hospitalisée….  C’est là-bas qu’on m’a annoncé de quoi je souffre.  Il m’a fallu neuf mois interminables pour que j’apprenne cela.  Apprendre que j’ai le cancer du sein. 

Rapidement, j’ai cerné pourquoi son cancer n’a pas été diagnostiqué au pays.  Je voulais lui dire que pour plus de 13 millions de Tchadiens que nous sommes, il n’y a qu’un seul cancérologue, mais non. Je ne pouvais pas l’interrompre.  Tant son histoire, ou dirais-je, son calvaire me fait couler des larmes. A l’entendre, je devine déjà toutes ces femmes qui souffrent, mais en silence. Elles souffrent d’un mal difficile à expliquer, difficile à diagnostiquer et presqu’impossible à traiter au pays.

« Je fus opérée et j’ai débuté mon traitement ». Après des mois, je regagne N’Djamena. Mes enfants pleuraient. Je n’avais pas de cheveux… j’étais presque méconnaissable pour eux.  Mais petit à petit, j’ai recouvré la santé.  Je suis ensuite repartie à Marrakech pour y refaire des examens. Je devrais repartir au début de l’année mais la crise sanitaire du coronavirus a tout perturbé.  Mon passeport était expiré, il n’y avait pas de vols et je n’ai plus mes médicaments… mon mari a parcouru toutes les pharmacies de N’Djamena mais sans succès… il m’a fallu attendre plus de sept mois avant de recevoir mes traitements, conclut Terey Gali Youkou en regardant amoureusement son mari.

Moi, j’ai voulu lui dire de vive voix merci pour son combat aux côtes de sa femme. Mais, je crois qu’il a compris à travers mes gestes. voila, bientôt, 13 ans que Takene Sabou et sa femme Terey Gali Youkou se battent, main dans la main, contre ce «monstre ». Un combat qui, devrait mobiliser la communauté tchadienne, toute entière. Car si Terey, accepte d’en parler et parvient, malgré tout, à trouver des traitements adéquats, des milliers de femmes n’auront jamais cette chance. 

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