Récit : le procès de l’infidélité

Article : Récit : le procès de l’infidélité
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31 octobre 2021

Récit : le procès de l’infidélité

L’accusé n’est pas là. Pour sa défense, il a dépêché deux de ses proches. L’un est vêtu d’un boubou blanc et l’autre d’un ensemble de couleur gris. Les deux hommes sont assis sur un tapis étalé sur une natte. De ma position, j’observe le plus jeune manipuler son téléphone. Il semble embarrassé. Après une demi-heure, la personne qu’on attendait pour commencer le procès est là. C’est mon oncle. Il salue l’assistance d’une voix calme et s’assoit.

Ma cousine, la fille du petit frère de mon oncle est de l’autre côté. C’est elle la plaignante. « Soyez la bienvenue », dit mon oncle d’un ton amical. « Je suis navré pour le retard, j’étais coincé dans les embouteillages », s’excuse-t-il. D’un simple regard, il vérifie si de l’eau et du thé ont été servis. Chose faite. A la fin de son checking, il annonce les couleurs de la rencontre.  « Mes enfants, nous vous avons convoqués pour une bonne raison », déclare mon oncle en regardant en direction des deux hommes. « Ma fille, votre épouse m’a rejoint il y a trois jours et personne ne s’est présentée pour me dire pourquoi ? », s’indigne mon oncle.  

La question…

La réponse à cette question, je le sais, il en sait des choses. La veille, la cadette de ma cousine, m’avait expliqué que sa grande sœur a regagné la maison familiale en larmes. Selon elle, sa grande sœur reprochait à son mari d’être infidèle. Pour preuve, elle a fait des captures d’écran des messages que son homme échangeait avec une autre femme. Elle disait à sa sœur qu’elle ne voulait plus de son époux. La cadette m’avait confirmé que mon oncle était informé de la situation. Et qu’il avait promis de solutionner le problème.

La question de mon oncle plonge tout le monde dans un silence absolu. Mille questions me taraudent l’esprit. Ils le savent tous, c’est une faute au regard de la tradition. Il fallait venir voir mon oncle avant qu’il ne prenne l’initiative de les convoquer. C’est dommage mais si mon oncle décide de compliquer les choses, ils n’auront d’autre choix que de se refugier derrières des excuses, aussi bancales soient-elles. Le silence d’à peine une minute me parût si long, pour les visiteurs aussi, je l’imagine. C’est alors que le troisième homme, qui a rejoint les deux premiers, prend la parole. « Effectivement, ma fille, notre épouse vous a regagné. Ce jour-là, je n’étais pas à la maison. Sinon, je n’allais pas permettre cela… », dit l’homme qui a presque l’âge de mon oncle. Il continue son récit avec diplomatie : « Nous sommes là aujourd’hui, pour vous présenter nos excuses.  Nous reconnaissons nos erreurs et nous vous promettons que cela ne se reproduira plus », déclare-il.

La sentence…  

Le silence reprend ses droits de nouveau. « Servez-nous du thé avant qu’il ne refroidisse », lance mon oncle. Après cette phrase, l’atmosphère est détendue. Tout le monde parle presque à la fois. Nous servons du thé comme demandé. « Dites à mon fils de venir chercher ses enfants », affirme mon oncle.  Tout le monde se félicite du verdict. Une prière est dite.

Aussitôt, la nouvelle est parvenue aux femmes. L’épouse de mon oncle ne semble pas être surprise par le jugement. Même ce matin, elle reprochait à sa fille d’avoir fouillé dans le téléphone de son mari. Elle répétait cette phrase encore et encore : si aujourd’hui, je suis toujours la femme à votre père, c’est par ce que j’ai fermé les yeux sur beaucoup des choses ». 

Moi, je suis perplexe. Au départ, j’ai compris que c’est fini entre ma cousine et son mari. Et pourtant non ! Mon oncle vient de dire qu’elle et ses enfants vont regagner leur domicile. Il a fallu qu’on m’explique qu’une épouse est comptée comme l’enfant du mari. Bref, je me disais : et si le rôle était inversé. Comment les choses se passeraient si c’était le mari de ma cousine qui découvraient des messages confirmant l’infidélité de sa femme ? Serait-il prêt à pardonner sa femme ? Non, je ne le pense pas. Je parie ma tête, qu’elle serait jetée dans la rue comme une indécente. Nous sa famille, nous aurions honte d’elle. On la condamnerait pour nous avoir souillés.  Alors pourquoi l’infidélité de l’homme est tolérée à bout de doigt ?   

Au couché de soleil, mon beau est là. Un bel homme, très élégant. Il est gêné et heureux de retrouver ses enfants : sa femme et ses deux gosses. Ma cousine faisait semblant d’être toujours en colère contre son époux. Tout à l’heure, elle était contente après le cadeau que son mari lui ait fait. Un téléphone de luxe qu’elle ne quittera plus. Et voilà, ma cousine, son époux, et leurs gosses, nous quittent.   

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