Tchad : Une fête au goût de la chloroquine

Article : Tchad : Une fête au goût de la chloroquine
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25 mai 2020

Tchad : Une fête au goût de la chloroquine

Ce matin, je me suis installé dehors. Sur mon tabouret, j’attends de voir des enfants se disputer les bonbons de l’Aïd el Fitr. Ce spectacle, je me l’offre à chaque fête de Ramadan. Sur les rares enfants qui passaient, seulement très peu d’entre eux portaient un boubou neuf. Ils marchaient quasiment sans gaieté. On voyait que leurs poches ne sont pas remplies des friandises. Indéniablement, ils sentaient l’effet de la pandémie du coronavirus. De peur qu’on remarque cela sur moi, j’ai pris mon tabouret et j’ai regagné la maison.

Sur mon lit, les yeux fermés, je déterre de mes souvenirs, l’une des plus belles fêtes de Ramadan que j’ai vécue. Oui, celle-là. Je me souviens encore de cette fête. À la veille, ma grande sœur est partie chercher nos boubous chez le couturier. Elle avait mis long ce jour-là. À son retour, elle nous fait les essayer comme si le couturier n’avait pas pris nos mesures au départ. Puis c’est au tour de nos chaussures. La mienne me serrait un peu. Mais tellement qu’elle me plaisait, j’ai gardé le silence pour la conserver.

Que le temps passe vite

La nuit tombée, nous partons bon gré dormir. Ma grande sœur, fatiguée s’est écroulée comme un sac vide. Mes frères et moi, sous notre moustiquaire, nous peinons à avoir sommeil. Pourtant, nous souhaitons de tous nos vœux qu’il fasse vite jour. Le temps ne passait pas. Pendant que mes frères dormaient paisiblement, je continuais de regarder à travers la fenêtre. Dehors, il faisait encore sombre.

Subitement, je fus réveillé par des voix. Tout le monde était déjà réveillé. Mes frères avaient pris leur bain. J’étais le dernier à être submergé dans une bassine. Coup de savon, de l’eau. Quelques minutes plus tard, je fus rincé comme un cristal. Aussitôt, de la vaseline au visage, au bras à la jambe, mes frères et moi, nous portions nos boubous avec joie. Sur la glace, nous paraissions impeccables. Nous courions vers la mosquée. A peine les pieds dehors, nous constations que la prière a été déjà exécutée.

Nous remettons nos tapis au plus petit de nous et entamons notre interminable va-et-vient. Nos rangs se grossit de file à l’aiguille. Nous nous vantons de nos boubous, de nos chaussures lumineuses. De porte à porte, nous remplissons nos poches des bonbons, des biscuits, des pièces de monnaie et de rare billet de banque. Nous courions vers la maison pour manger les morceaux de la viande du mouton et nous rebroussions chemin. On laissait rien gâcher nos fêtes, même pas un mal de tête, car nous avions nos aspirine et chloroquine dans nos poches.

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